Ferme la bouche, tu as l’air idiot

Ferme la bouche, tu as l’air idiot !

Combien de fois ai-je entendu cet ordre ?

Depuis que je suis capable de me souvenir, inlassablement on me répétait : « Ferme la bouche, tu as l’air idiot ». En quoi cela pouvait-il gêner mes proches que j’aie l’air idiot ? Avaient-ils peur d’être assimilé à mon idiotie ? Etaient-ils plus intelligents la bouche fermée ? Ne tiens-ce qu’à cela ? Bien entendu, à l’époque je ne me posais pas ce genre de questions, je la fermais, simplement, un petit moment…

Ce n’est que dernièrement, en voyant un petit enfant bouche-bée, que je me suis rappelé toute de ces remarques qui avaient chaque fois interrompues ma réflexion, mes observations. Sans s’en rendre compte, mes proches s’immisçaient dans mes pensées profondes, sans respect. Les pensées d’un petit enfant ne sont sûrement pas importantes en regard de son apparence.

Je suis maintenant dans le train. En face de moi, un homme normal, dans la trentaine, dort profondément les mains calées sur ses cuisses, la bouche ouverte. Si je le lui faisais remarquer, j’interromprais son sommeil. Lorsque j’étais petit, on interrompais sans cesse mon éveil. La bouche ouverte devait vraisemblablement provenir de problèmes respiratoires découlant de ma morphologie oto-rhino-laryngologique. Plutôt que de me concentrer sur la fermeture de ma bouche, je préférais porter mon attention sur des sujets plus vitaux pour mon développement. En fait, je regardais avec la bouche, j’entendais avec la bouche.

Maintenant, avec le recul, je suis reconnaissant envers ma famille de n’avoir pas l’air plus idiot qu’il ne faut, mais je suis convaincu qu’en ayant fermé la bouche lorsque cela était possible, je me suis fermé à d’autres choses, moins idiotes !