Belle Greque

Je ne me souviens plus son nom.
Elle était grecque, charpentée,
Mais son visage, carré, était fin.

J’avais été invité par un ami, bon
Avec ses parents, pour une virée
En voiture, je crois dans l’Ain.

A l’aller, rapport bon genre-bon ton
C’est sûr elle est bien éduquée.
Mais elle lui plait bien au petit Lugrin

Le pique-nique, le vin, la salade de thon
Les regards, furtifs, je la sens, excitée.
Deux trois mots drôles, je fais le malin.

La route est longue, nous repartons
Mon ami conduit, son père à ses côtés
Avec maman derrière, moi et mon lapin

La route tourne et tous nous nous penchons
Il arrive bientôt le temps d’en profiter
Les épaules se touchent et ça fait du bien

Heureusement, cette fois, la distance a du bon
J’espère secrètement que la route va tourner
Je vais bien pouvoir lui toucher la main

Merci, merci, la route chemine en rond
Cette fois c’est vrai, je sais, elle va m’effleurer
Je veux, je prie, ensemble tous les saints

Oh ! Un bout droit, mon dieu, je me sens con
Saloperie de route, sûr, j’ai pas assez prié
On ne peut quand même pas refaire tout le chemin

Voici que les collines reviennent avec les vallons
L’espoir aussi est là, le bonheur va arriver
Il est temps pour moi enfin d’être bien

Voilà, je le sens, au prochain, ça va être bon
C’en est au moins un beau, à quatre-vingt degrés
Mais oui, enfin, c’est fait, je lui ai pris sa main

La timidité aidant, je lâche, en bon garçon
Mais c’est partie remise, je veux récupérer
On ne lâche pas si vite un aussi beau butin

Et le prochain virage me donne pleinement raison
Elle aussi le veut, nos doigts doivent se toucher
Alors commence l’amour fait par nos mains

C’est comme si nous étions les deux dans un cocon
Seuls au monde, forts, et libre de nous aimer
Savons-nous seulement de quoi est fait demain ?

Nos doigts, enlacés, se crispent, mon dieu c’est bon
Se roulent et se déroulent, il faut les faire glisser
C’est sur le siège arrière, mais comme dans un couffin

Pourvu qu’elle ne s’arrête cette belle route en ronds
Je veux la faire jouir et moi éjaculer
Jusqu’à c’que mort s’en suive ou jamais voir la fin

Nos deux mains s’aiment si fort, qu’on entend un ronron
Non, zut, c’est déjà la douane, on doit bien s’arrêter
Nous n’avons pas eu loisir de manger tout notre pain

Dans quelques kilomètres, nous verrons la maison
La fête sera finie, le bonheur éclipsé
Elle est bien terminée, l’union sans lendemain.